Lush & Dove tombent à l'eau, qui est-ce qui reste dans le bateau ?! Peut-être l'avez vous vu ou en avez-vous au moins entendu parler mais France 5 a diffusé dimanche soir dernier un reportage qui a fait sensation (ici en replay pendant encore 3 jours). Une enquête consacrée aux gels douche, un sujet qui manifestement intéresse les gens puisque plus d'un million de personnes étaient devant leur poste pour l'occasion (jour de fête chez France 5 à qui ça n'arrive pas tous les 4 matins, c'est un peu comme quand Christian Clavier se retrouve dans un film que plus de 50 personnes vont voir au cinéma). Bref, ce reportage a beaucoup fait jaser sur la beauty sphère car il faut bien le dire, c'était un flingage en bonne et due forme des gels douche de supermarché. En regardant cela, j'en suis ressorti avec une impression assez particulière, tiraillé entre mon intérêt manifeste pour de nombreux points soulevés et mon interrogation sur la manière dont tout cela avait été traité. Après deux jours de recul, je pense que certains éléments méritent d'être relativisés et mis en perspective. Je m'explique...
Ce n'est pas vraiment un secret puisque cela est noté dans ma succincte présentation en haut de ce blog mais je suis Attaché de Presse depuis près de 10 ans (mon Dieu, ce coup de vieux en écrivant ça!). Je travaille pour plusieurs marques dont certaines d'ailleurs proposant des gels douche, tantôt bio, tantôt pas, et donc mon avis sur la question est totalement neutre car je défends les deux "chapelles". Je tiens à le préciser parce que je ne voudrais pas être taxé de manquer d'objectivité. Bref, depuis le temps que je bosse dans cette industrie, les médias, je sais quand même un peu comment ça marche ! Ici, la volonté était clairement de bâtir un documentaire à charge, le fil conducteur de l'émission est clair et net. Prenons l'exemple de ma consoeur chargée de communication chez Lush et qui dans le reportage est apparue comme incapable de répondre à une question de la journaliste relatives aux produits qu'elle défend. Vu comme ça, je conçois que cela ne fait pas très sérieux mais je vous assure, il ne faut pas oublier que c'est une idée faite sur 30 secondes diffusées.. Peut-être, et sûrement même, que leur entretien a duré 1h et que pendant 59 minutes, l'attachée de presse a eu réponse à tout sauf pendant une minute où elle a été prise à défaut (on ne peut pas non plus tout savoir et les journalistes savent nous repousser dans nos retranchements). Et c'est bien entendu toujours cette séquence, la plus sensationnelle, que l'on va garder au montage. C'est la règle à la TV, et elle est souvent impitoyable. Cela fait un peu naïf de dire ça mais je sais d'expérience que c'est exactement comme cela que ça se passe.
Néanmoins attention, cela n'excuse pas tout et je suis le premier déçu en apprenant que chez Lush, "produit frais" ne signifie pas en fait "produit fabriqué à partir d'ingrédient végétal frais" mais simplement 'produit fabriqué il y a moins de 5 mois". Forcément, ça contrarie. Gros fail. Et pareil pour les parabens qui figurent sous une autre appellation dans la liste INCI, et cela contre les lois et les directives en vigueur. L'erreur est humaine (et ici invoquée par la marque pour expliquer ce "loupé") mais c'est vrai qu'elle n'en demeure pas moins troublante. Est-ce que Lush a sciemment procédé à ce tour de passe passe pour masquer la présence de parabens dans ses formules ? Personnellement, c'est ma conviction (et chapeau à la journaliste de l'émission sur ce point). C'est effectivement très dommage et critiquable mais en même temps, est-ce qu'on peut aussi en profiter pour remettre les choses à plat. Pourquoi Lush en arrive là ? Parce que vous, moi, Mme Michu, tout le monde... ne voulons plus le moindre parabens dans nos produits de beauté et cela alors même que tous les formulateurs cosmétiques vous diront qu'il s'agissait pourtant du meilleur conservateur qu'ils avaient à leur disposition. Si on ne les avait pas tant décriés, on ne serait pas - et comme cela était aussi très justement expliqué par France 5 - en train de remettre dans nos produits des conservateurs bien moins rassurants. Mais qui ne nous inquiètent pour l'instant pas le moins du monde puisque les médias ont décidé de ne pas nous en parler pour le moment...
J'avoue quand même que je ne peux pas m'empêcher de sourire en observant tout cela car on a quand même le chic pour se créer des psychoses paradoxales. Or donc, on s'inquiète au plus haut point de la présence d'un paraben dans notre gel douche, un produit qui, il est quand même bon de le rappeler, l'on garde à peu près une minute sur la peau avant de le rincer à grandes eaux. Je le précise car à écouter tout ça, on pourrait croire que c'est le truc le plus dangereux du monde, une molécule qui pourrait nous tuer en l'espace de quelques secondes. Alors non bien sûr, je ne suis pas insensible à l'argument de l'application répétée quotidiennement qu'il ne faut pas mésestimer... Mais quand même, soyons sérieux un instant. Les ondes que notre corps se tape à longueur de journée, baigné dans un océan de wifi, bluetooth, 3G et antennes relais, ça n'effraie pas ça ? L'alimentation industrielle désastreuse qu'on a, les pesticides dans nos légumes et notre steack blindé de farines animales, on en parle ? Mais un paraben sur la peau pendant une minute et voilà qu'on s'inquiète. Restons raisonnable quand même. Ou bien arrêtons de vivre alors et retirons nous définitivement dans une ferme coupée du monde dans le Larzac.
Alors attention, je suis néanmoins le premier à admettre que bien sûr, la composition d'un gel douche Weleda qu'on voyait dans le reportage, ou de tout autre marque sincèrement engagée dans le bio, est sans doute plus intéressante et douce pour la peau que celle d'un Dop ou d'un Tahiti. Mais si on essayait d'être franc une minute : qui est vraiment prêt à payer 8€ pièce pour chacun de ces gels douche ? Allez-y, lever le doigt derrière votre écran (enfin non, pas la peine car je ne vois rien!). Bon, moi j'ai acheté le mois dernier une huile de douhe Sabon à 22€ (faut que je vous en parle d'ailleurs) mais ça c'est parce que je l'aime d'amour et qu'en temps normal, je dévalise toujours le rayon de mon supermarché ! Ca compense. On peut le faire occasionnellement mais dans une famille où les gels douche descendent à vitesse grand V, ce n'est peut-être par le poste de dépense prioritaire. Et puis surtout, disons le simplement, lorsqu'on achète un gel douche Le Petit Marseillais ou autre, on se fait plaisir avec un parfum, une couleur, de la mousse... Est-ce qu'on est tous prêt à troquer cela pour un gel douche aux huiles essentielles ? Non, bien sûr, même si on sait au fond qu'on devrait. On le sait tous que les Pépito, c'est de la merde blindée d'huile de palme mais c'est trop bon et surtout, on n'a pas tout le temps envie de manger des galettes de quinoa ! Enfin bon, on se doute bien que lorsqu'on achète un gel douche à 2€50, au parfum de soda et à la couleur jaune vif que tout cela n'est guère naturel. Les consommateurs sont loin d'être bêtes.
J'ai souri d'ailleurs en voyant la séquence où la journaliste de France 5 apporte des produits de supermarché pour faire décortiquer leurs formules par deux intervenants présentés comme "un blogueur" et "une journaliste". Deux personnes que je connais bien, que j'apprécie et dont je respecte le travail et les valeurs mais bon, ce ne sont quand même pas n'importe quel blogueur et n'importe quelle journaliste. Tous deux sont de fervents défenseurs de la cosmétique bio plus que mise à l'honneur dans leurs ouvrages respectifs. Alors bien sûr, il y avait peu de chance qu'on les retrouve en train de s'exclamer et danser la soca dance en découvrant ces formules (dommage car moi, je suis certain que Julien danse très bien la soca dance mais ça c'est une autre question!). C'était au final comme aller faire déguster un Best Of Mc Chicken à un grand chef étoilé prônant une cuisine locavore. Sans grande surprise et un peu convenu. Mais s'inscrivant parfaitement dans le fil conducteur de l'émission. Autre bémol que j'emmétrais, le passage sur l'esthéticienne qui s'était un jour réveillé défigurée à cause de la présence d'un conservateur auquel elle était allergique dans ses soins et son maquillage. Tellement gros comme ficelle... C'est dommage car pour le coup, ce genre "d'anecdote" méritait un traitement autrement plus sérieux et aurait permis par exemple d'aborder le très intéressant problème des professionnels de la beauté sans cesse exposés à des produits chimiques (et je pense particulièrement aux coiffeurs en écrivant cela) et qui terminent en développant des maladies professionnelles.
Alors attention, je ne dis pas que le reportage était inintéressant, bien au contraire même. J'ai trouvé passionnant le passage avec la dermatologue qui permet de se rendre compte (au delà des relations opaques entre industriels et professionnels de la santé) que les arguments marketing "hypoallergéniques" et "approuvés par les dermatologues" n'avaient strictement aucune valeur et qu'il fallait donc en faire abstraction au moment de choisir son produit dans les rayons. J'ai bien aimé les passages sur la fabrication des gels douche à proprement parler, c'est toujours instructif de voir un peu cette facette de la beauté. Toute la partie plus marketing sur les ficelles utilisées par les marques pour s'adresser à notre subconscient et éveiller tous nos sens était aussi instructive. Simplement, je regrette juste que cette émission se soit focusée sur un seul point de vue, je pense que l'ensemble aurait gagné à s'ouvrir à un peu plus de contradictions. Je ne suis personnellement que très rarement convaincu par le côté tout blanc d'un côté, tout noir de l'autre. Oh le vilain gel douche de supermarchés à ma droite, oh le gentil savon de Marseille (avec parfois de la graisse animale dedans, ça aussi c'était intéressant) à ma gauche, ce n'est pas vraiment ma came. Ce que j'en retiendrais du coup au final ? Simplement que comme dans toute chose, le juste équilibre est le meilleur chemin. Oui ces gels douche à 3 euros ne sont sans doute pas parfaits mais il ne vont pas non plus nous tuer. Savourons les sans jamais tomber dans l'excès et en alternant de temps en temps avec des versions greens, cela devrait bien se passer je pense !
Voilà, j'ai écris au fil de la plume (et de mon clavier rassurez-vous) donc désolé si tout cela est un peu décousu. J'espère sincèrement que vous aurez envie de prolonger le débat dans les commentaires en me disant, si vous l'avez vu ou entendu parler, ce que vous avez pensé de ce reportage. Qu'en retenez-vous au final ? Est-ce que cela vous pousse à remettre en cause vos critères au moment de choisir et d'acheter un gel douche ou pas vraiment ? Bien entendu, meme si vous n'avez pas encore eu le temps de visionner ce reportage, n'hésitez pas bien sûr si vous aviez aussi un avis sur la question. D'une manière générale, qui parmi vous prend vraiment le temps de décortiquer la formule de son gel douche avant de le mettre dans son caddie ? Est-ce que la présence de conservateurs décriés vous inquiète vraiment ou finalement pas plus que ça ? J'aurais en fait un milliard de questions à vous poser sur le sujet mais je vais me contrôler pour simplement vous laisser vous exprimer (dans le respect et la courtoisie bien sûr, je compte sur vous).
PS : un grand merci pour vos nombreux commentaires hyper constructifs et intéressants, c'est vraiment agréable de pouvoir échanger de cette manière.
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